La bergère Soline Castet, 20 ans, coupe un ongle infecté d’un mouton, dans la vallée de Gela, Hautes-Pyrénées, le 15 juillet 2022 (AFP/Valentin CHAPUIS)
Jeunes, sportifs, en short et chaussures de randonnée pour explorer la montagne : les bergers pyrénéens sont loin de l’image d’un berger d’autrefois, en velours côtelé et béret, mais le filou et les chiens sont toujours là.
« Ma mère m’a mis dans un porte-bébé pour aller voir les moutons (…) Je l’ai toujours suivie », raconte à l’AFP Alisson Carrère-Sastre, une bergère de 23 ans de la nouvelle génération.
Diplômée d’un BTS en productions animales, elle n’a pas abandonné le filou, une longue canne munie d’un crochet. Le « caï » comme on l’appelle dans les Hautes-Pyrénées sert aussi à piéger les moutons.
La bergère Alisson Carrere-Sastre, 23 ans, avec ses chiens, dans la vallée d’Aygues Tortes, dans les Hautes-Pyrénées, le 11 août 2022 (AFP/Valentin CHAPUIS)
Autre tradition préservée : un chien, compagnon solitaire, indispensable à l’entretien d’un troupeau. « Si je n’ai pas de chiennes, je ne peux rien faire », avoue-t-elle.
Depuis quatre ans, Alisson emmène les animaux en estive seule avec Sony et Pany, son border collie. Un ouvrier agricole de Loudenvielle garde le reste de l’année, de juin à septembre, plus de 700 moutons de deux éleveurs de la vallée de la Soula.
– Multitâche solitaire –

Un dresseur de chiens, géographe à la recherche des meilleurs pâturages, fait aussi attention, coupe un ongle infecté, injecte des antibiotiques, etc.
Un troupeau de moutons dans la vallée de la Soula, dans les Hautes-Pyrénées, le 14 septembre 2022 (AFP/Valentin CHAPUIS)
Pour localiser ses animaux de compagnie, il scrute la montagne à travers des jumelles. Ils sont partis à l’aube, parcourant des kilomètres à la recherche d’une herbe plus riche.
Alisson, entourée de ses chiennes, les conduit. Ses ordres sont : droite, gauche, haut, bas. Sony et Pany dévalent les pentes et reviennent à toute allure. Une fois que le troupeau est sur le bon chemin ou « de courtoisie », il est temps de le caresser. « C’est comme ça que je préfère travailler avec eux », dit-il.
Plus la saison avance, plus les animaux grandissent. En août, la Bergère les suit jusqu’au vallon d’Aygues Tortes à 2 100 m.Pas d’eau courante, pas d’électricité, pas de réseau téléphonique : « C’est la douche qui me manque le plus ! »
– Renouer avec les humains –

Alisson Carrere-Sastre à l’entrée de son refuge, dans la vallée de la Soula, dans les Hautes-Pyrénées, le 14 septembre 2022 (AFP/Valentin CHAPUIS)
Les vagabonds aiment ses conseils. Et sa cabane leur sert d’abri. Seule une petite chambre lui est réservée. Alisson n’est pas facile, première partie, dernier retour. « Souvent, je n’ai pas envie de parler. Mais il y a des moments où on fait de belles rencontres », confie-t-elle, un agneau sur les épaules.
Chaleur et pluie en alternance. Lorsque la tempête se déchaîne, la vallée devient dangereuse et les rochers sont glissants. Un coup de foudre sème la panique : l’agneau se tord et s’écrase 20 mètres plus bas. Les vautours tombent sur les restes. Dans la course, l’un s’est cassé la jambe. Il faut plâtrer. Il est 21h15.
Alisson conduit alors le troupeau jusqu’au « divan » pour passer la nuit sous la garde de Miss, l’imposant chien des Pyrénées ou « patou ». A la lumière de la séquence d’ouverture, la bergère regagne sa cabane.
A la fin de l’été, les moutons descendent en re-transhumance. Pieds endoloris, visage brûlé par le soleil, Alisson mettra quelques jours à s’habituer. « Je vais au supermarché pour voir des gens », sourit-elle.