Pour la première fois, un rapport d’information du Sénat, présenté mercredi 28 septembre, examine les pratiques de l’industrie pornographique en France et formule une vingtaine de propositions pour alerter le gouvernement et l’opinion publique.
Pour réaliser ces 150 pages du rapport, les sénatrices Alexandra Borchio-Fontimp (LR), Laurence Cohen (communiste), Laurence Rossignol (socialiste) et Annick Billon (centriste) ont écouté à huis clos des dizaines de témoignages pendant six mois : ces acteurs porno et actrices, médecins tels que gynécologues, journalistes spécialisés, policiers et avocats, producteurs de films X, etc.
Les auteurs qualifient certaines auditions de « testing » et révèlent, c’est le point de départ du rapport : « Une porosité entre proxénétisme, prostitution et pornographie. »
Nous sommes 4 sénateurs aux sensibilités politiques différentes, ensemble nous avons atteint un consensus exigeant contre la violence systémique dans l’industrie du #porno. Les témoignages des victimes nous obligent, nous ne pouvons plus fermer les yeux.https://t.co/o7K4OcSE24
L’industrie du porno face à la justice
Le centre du porno « amateur » est aux yeux de la justice depuis deux ans avec plusieurs plaintes pour « viol en réunion et traite d’êtres humains flagrante » contre deux géants du secteur, dont les célèbres Jacquie et Michel. Une actrice qui s’est constituée partie civile dans le procès « French Bukake » a également raconté aux journalistes les conditions inhumaines lors d’un tournage : « Cette scène (sexuelle) se termine, je vais aux toilettes et je saigne, ce n’était pas dans le scénario ». Une autre scène commence alors sur le sol. Dès le début, ils ont essayé de me déshumaniser, je mangeais de la nourriture pour chien.
Face à de telles horreurs, les sénateurs ont décidé de faire vingt propositions pour tirer la sonnette d’alarme. Le premier d’entre eux est d’ouvrir les yeux sur la réalité de l’industrie du porno. Selon le document, 90% des scènes pornographiques impliquent « des violences physiques et verbales » et véhiculent des stéréotypes « misogynes, racistes, lesbophobes et hypersexualisés ». Selon le rapport, la pornographie génère « une violence systémique contre les femmes ».
Pour lutter contre ces dérives, les auteurs proposent d’informer les consommateurs des conditions réelles dans lesquelles se déroule le tournage. Ils recommandent surtout de renforcer l’arsenal judiciaire pour mieux protéger les actrices, ainsi que d’augmenter les crédits destinés aux magistrats et aux policiers chargés des enquêtes. Cela passe aussi par la formation de la police qui, comme cela a été fait pour les violences conjugales, doit apprendre à recueillir les plaintes des actrices porno.
Droit à l’oubli et protection de la jeunesse
Certaines actrices ont dû débourser entre 3 000 et 5 000 euros pour avoir en ligne des vidéos dans lesquelles elles apparaissaient en affirmant leur « droit à l’oubli ». C’est en moyenne dix fois plus que la somme qu’ils avaient reçue pour le tournage de ladite scène. Le rapport demande donc la création d’une catégorie « violences sexuelles » sur la plateforme de signalement Pharos et l’imposition d’amendes aux diffuseurs et plateformes qui diffusent des contenus illégaux.
Autre combat à mener selon les sénateurs : l’interdiction d’accès à la pornographie pour les mineurs. En France, deux tiers des moins de 15 ans ont déjà visionné des images pornographiques et 2,3 millions de jeunes de moins de 18 ans les regardent chaque mois. En conséquence, des traumatismes, des troubles alimentaires et du sommeil ainsi que des complexes.
Ainsi, le rapport exhorte les diffuseurs à trouver une solution technique efficace pour vérifier l’âge avant d’entrer sur le site et, en attendant, demande que le contrôle parental soit activé par défaut lors de la souscription d’un abonnement téléphonique pour un mineur.
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