Classée trésor national en 2020, l’œuvre de Gustave Caillebotte, après avoir été acquise par l’État grâce au mécénat, est entrée dans les collections nationales de manière insolite.
Une place de choix pour la Galerie des Impressionnistes, à deux pas du Bal du moulin de la Galette de Renoir et parmi les oeuvres de Monet et Sisley. Aux côtés de ces voisins prestigieux, le Parti de bateau, l’un des chefs-d’œuvre de Gustave Caillebotte et de l’histoire de l’impressionnisme, a fait une entrée remarquée, saluée par Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, dans les collections nationales, où son socle sera le Musée d’Orsay avant le voyage dans toute la France.
Un regard quasi cinématographique sur la représentation de « la vie moderne »
Réalisée par l’artiste vers 1877-1879, cette œuvre – parfois aussi appelée Le Batelier au chapeau haut de forme – fait partie d’une collection d’une dizaine de peintures et pastels sur un thème particulièrement emblématique des impressionnistes : la représentation de la « vie moderne » et la nouvelle divertissements de la bourgeoisie urbaine. « Caillebotte lui-même était passionné de sports nautiques, il possédait pas moins de trente-deux bateaux et en avait même dessiné les plans d’une vingtaine d’autres », explique Christophe Leribault, président des musées d’Orsay et de l’Orangerie – Valéry Giscard d’Estaing.
La voile suscitait déjà l’intérêt de Monet, Renoir et Manet, qui aussi dans les années 1870 dépeignaient de telles scènes du rameur à plein effort dans des gros plans extrêmement cinématographiques, poursuit Christophe Leribault. Elle change notre place de spectateur, notre expérience qui devient frontale et immersive. Tout se passe comme si nous étions face au rameur, littéralement avec lui à bord. Tout dans cette image est innovant, audacieux : c’est du cadrage rapproché, c’est de la capture instantanée. »
Cette acquisition approfondit notre compréhension de l’œuvre de Caillebotte
Caillebotte, artiste et donateur
Ce chef-d’œuvre vient ainsi enrichir la collection nationale qui ne comprenait jusqu’alors que onze peintures et trois pastels de Caillebotte. C’est peu compte tenu de l’influence considérable de l’artiste, à la fois comme peintre et comme mécène. Après la mort de son père, il hérita d’une fortune considérable qui lui permit de subvenir aux besoins de ses amis impressionnistes et d’amasser une œuvre exceptionnelle.
Dans son testament, Gustave Caillebotte propose de faire don de cette riche collection au musée du Luxembourg, alors vestibule du Louvre, dont les collections sont alors affectées au musée d’Orsay. « C’était un geste fondateur qui a poussé d’autres collectionneurs à faire de même dans la première moitié du XXe siècle », se souvient Rima Abdul Malak, ministre de la Culture. C’est à cette grande générosité que l’on doit aujourd’hui les plus grandes collections impressionnistes au monde dans nos musées français. Une partie du bateau rejoint ainsi Les raboteurs de parquet, don du frère de l’artiste pour suppléer à l’absence de l’œuvre de Gustave Caillebotte dans le dossier. « Cette acquisition nous permet d’approfondir notre compréhension de son travail. Je suis ravi que le musée d’Orsay puisse désormais nous contraindre à affronter Caillebotte afin qu’il soit pleinement reconnu pour ce qu’il est : l’un des plus grands peintres français », déclare Christophe Leribault.
Un Trésor national acquis par le mécénat
L’acquisition de ce tableau est une « grande victoire célébrée aujourd’hui » – a déclaré le ministre de la Culture. Jusqu’ici entre les mains privées des descendants de l’artiste, l’œuvre était en effet très demandée. « La France produit et exporte les meilleures œuvres impressionnistes. Pas étonnant que les plus grands musées du monde se disputent les plus belles œuvres de Gustave Caillebotte, poursuit Rima Abdul Malak. Grâce à cette acquisition, une partie du bateau reste sur le territoire français, devenant, selon le ministre, « l’un des joyaux des collections nationales ».
L’acquisition a été possible grâce au système des « Trésors Nationaux » et au refus d’autoriser l’exportation de l’oeuvre en raison de sa grande importance pour le patrimoine national. Ce statut a été accordé en janvier 2020 au Parti de bateau, date à partir de laquelle l’État disposait de trente mois pour acheter le tableau. Il sollicite alors l’avis du groupe LVMH. « Aujourd’hui, nous nous réjouissons que grâce à ce mécénat, l’un des derniers chefs-d’œuvre de l’impressionnisme encore en mains privées demeure en France et enrichit les collections du musée d’Orsay », a ajouté Jean-Paul Claverie, conseiller de Bernard Arnault, président. et président de LVMH.
Institué par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées en France, ce dispositif, qui permet à l’Etat de favoriser l’acquisition d’œuvres importantes et pour les collections publiques, ouvre le droit à une réduction de 90% de l’impôt sur les sociétés dans la limite de 50% de la taxe due.
Un Caillebotte qui va voguer de ville en ville
2024 sera l’année d’un double anniversaire : les 130 ans de la mort de Caillebotte et du transfert de sa collection à l’Etat, et les 150 ans de l’Impressionnisme. Ainsi, à la demande du ministre de la culture, une célébration nationale sera organisée autour de ce chef-d’œuvre.
Dans un premier temps, Party Boat sera présenté sur un cintre spécial dans la galerie dédiée à l’impressionnisme du musée d’Orsay. Ensuite, il sera affiché en itinérance dans plusieurs points de vente à travers le pays, afin qu’il puisse être vu par le public le plus large possible.
L’œuvre reviendra ensuite à Orsay à l’automne 2024 pour une grande exposition Caillebotte, grâce à des prêts exceptionnels de grands musées américains comme le J. Paul Getty Museum et l’Art Institute of Chicago, propriétaire entre autres de la rue de Paris. , pluie temporaire.