Dans ce nouveau documentaire qu’il a écrit en collaboration avec le journaliste Renaud Revel, le réalisateur Pierre Chassagnieux ouvre la porte à un métier sulfureux, celui des photographes puissants, auteurs de clichés volés qui restent parfois dans toutes les mémoires.
Approche chronologique oblige, le documentaire commence par les années de De Gaulle. Généralement méfiant vis-à-vis de la presse écrite, le général a toujours été plutôt un homme de radio. Et à son époque – soixantième année de l’ORTF – la vie privée signifiait encore quelque chose. Mais le film raconte tout de même l’histoire de la célèbre photo de De Gaulle les mains en l’air au milieu d’un champ.
Ce n’est qu’après l’arrivée au pouvoir de son successeur que les portes de l’Elysée se sont ouvertes aux photographes, avec la promesse d’authenticité. Président plus moderne et détendu, Georges Pompidou avait un code de communication visuelle et voulait ainsi se rapprocher des Français : il permet aux photographes de le suivre dans sa maison familiale et en vacances, mais en contrepartie la presse n’a pas le droit de publient des photos volées et l’information reste très civilisée vis-à-vis des autorités.
Après l’évolution de Pompidou, place à la révolution de Giscard, ouvertement inspirée de la communication américaine de JFK. Il se fait passer pour un acteur et orchestre une vulgarisation faite de fausses photos leakées arrangées au lieu d’être volées. Il est le premier à associer sa famille à son image, tout en se mettant en scène aux côtés de personnalités ou en faisant du sport, mais cette abondance de clichés finira par se retourner contre lui.
En revanche, le successeur de Giscard impose à nouveau une distance vis-à-vis des photographes. Volontairement ou non, Mitterrand entretient le mystère et la fascination qui entourent sa personne en évitant tout contact avec les médias. Malgré son respect pour ce dernier, il se méfie de Paris Match, et les faits lui donnent raison puisqu’en 1994 le magazine publie une photo volée de Mazarine Pingeot (sa fille cachée) avec lui devant le restaurant.
On sait aujourd’hui que cette publication a été faite avec son consentement, mais on ne peut pas en dire autant des photographies prises en Égypte en 1996, sur lesquelles on le voit très malade quelques jours avant sa mort. Et une nouvelle barrière a été franchie lorsqu’une photo du corps de François Mitterrand dans sa morgue a été publiée, brisant un tabou absolu.
Heureusement, tout sera un peu plus facile sous Jacques Chirac, à l’aise devant l’objectif et qui s’adonne volontiers au jeu du photographe, sous l’œil bienveillant de sa fille Claude qui contrôle ses communications et qui permet ne serait-ce qu’une intrusion dans sa vie privée. vie, permettant à Paris Match de montrer en 2000 « le grand-père du président » avec son petit-fils. Nous entrons dans une ère de proximité : les hommes politiques deviennent des célébrités comme tout le monde.
Engrenages de nationalisation
Et rien n’illustre mieux ce changement que le mandat du successeur de Jacques Chirac. Pendant cinq ans, Nicolas Sarkozy a activement contribué à la nationalisation de la vie politique en agissant devant des photographes. Mais depuis 2007, son couple défraye la chronique à son insu dans les tabloïds, qui ont révélé la relation entre Cécilia Sarkozy et Richard Attias.
Le documentaire raconte que le président de l’époque a sollicité son ami Arnaud Lagardère, le propriétaire du magazine chargé de publier les photos du couple, et a reçu la tête du réalisateur de Paris Match Alain Genestar. Laurence Pieau, directrice à l’époque du magazine Closer nouvellement lancé (2005), évoque l’ère des feuilletons télévisés au sommet de l’État, qui se poursuit avec des photos du couple Sarkozy-Bruni à Disneyland, dont Christophe Barbier transmet la publication dans L’Express.
Pour l’expert interrogé dans le documentaire, cet âge d’or des paparazzi marque une très forte désacralisation de la présidence, un processus qui se poursuit sous le mandat de François Hollande. Quiconque se dit « président normal » est à la portée de tous les photographes et se trompe en croyant qu’il a encore droit à un semblant de liberté et d’intimité.
Mais ce n’est pas un citoyen comme les autres, et le documentaire donne la parole aux paparazzis qui ont surpris François Hollande en flagrant délit à la sortie de l’immeuble Julie Gayet, avec son fameux scooter et son absence du dispositif de sécurité adapté pour l’être. controversé. Closer consacre neuf unes à cette incroyable affaire et le magazine doit être réimprimé : Laurence Pieau parle d’hystérie totale et d’un moment clé pour la presse publique, qui change de statut en montrant pour la première fois le président dans le train en train de tromper sa compagne .
Les conséquences désastreuses de cet épisode pour la popularité de François Hollande ont sans doute incité son successeur à adopter une attitude beaucoup plus prudente. Les intervenants du documentaire décrivent ainsi la communication verrouillée d’Emmanuel Macron, avec les paparazzi officiellement renvoyés par les pouvoirs de photographies autorisées en coopération avec l’Elysée, qui communique sur les réseaux sociaux. Changement d’époque : après quinze ans de nationalisation outrancière de la vie politique, ce phénomène s’est-il enfin retourné contre les paparazzi ?
Présidents et paparazzi, un documentaire disponible sur PLANÈTE+.