Avec Sonia Bisch, représentante du Collectif StopVOG et Caroline Combot, grand-mère
La pression abdominale est largement condamnée en France comme un acte obstétrical impliquant une très forte pression sur le ventre de la femme enceinte lors de l’accouchement. De l’ordre des violences obstétricales, la pression sur le fond de l’œil est inutile et peut même être extrêmement dangereuse pour la patiente.
Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi est-ce dangereux d’appuyer sur le ventre d’une femme enceinte lors de son accouchement ? Quels sont les risques et les complications de ce geste ?
Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), la pression utérine « désigne l’application d’une pression au fond de l’utérus dans le but précis de raccourcir la durée du 2e stade du travail », c’est-à-dire « la période allant de la dilatation complète du col de l’utérus à la naissance naturelle du bébé ». Bref, c’est une pression extrêmement forte sur la partie inférieure de l’abdomen de la mère, car « elle est censée multiplier la force d’expulsion », explique Caroline Combot, sage-femme.
Douleurs, saignements, déchirures : des conséquences graves pour le corps de la mère
Douleurs, hémorragie, déchirures : de graves conséquences sur le corps de la maman
Cependant, cette pratique, en plus de n’avoir aucune réelle justification médicale, fait courir de nombreux risques psychologiques et physiques à la mère. Dans son rapport, la HAS rappelle le « vécu traumatisant des patients et de leurs accompagnateurs et l’existence de complications rares mais graves » de la pression abdominale.
Les mères se plaignent le plus souvent de douleurs abdominales constantes après l’accouchement et d’ecchymoses. Des complications plus graves (mais plus rares) peuvent également survenir, telles que (mais sans s’y limiter) :
En tout cas, pour Caroline Combot, de nombreuses pratiques liées à l’accouchement sont à revoir pour mieux respecter son rythme naturel. « Il y a d’autres solutions : on pourrait déjà stopper la croissance des futures mamans sur le dos. Une femme debout, accroupie, semi-assise ou sur un tabouret d’accouchement aurait beaucoup plus de pouvoir pour expulser le bébé », explique-t-elle. Même en France, « le protocole dit que l’expulsion de l’enfant (deuxième étape, ndlr) ne doit pas durer plus de 30 minutes. Nous sommes coincés avec cela par manque de temps ou de personnel. Alors qu’au Canada ou aux États-Unis, les femmes peuvent pousser pendant 1 heure ou même 2 heures paisiblement. C’est sans danger pour le bébé, qui est observé de toute façon, et on pourrait éviter bien d’autres gestes potentiellement dangereux pour la future maman », explique la sage-femme.
Pourquoi l’expression abdominale est interdite par la Haute Autorité de Santé (HAS) ?
En janvier 2007, la Haute Autorité de Santé a condamné la pratique dans une de ses recommandations de bonnes pratiques, estimant que le traumatisme psychologique et physique et l’absence « d’indications médicalement confirmées » justifiaient suffisamment son abandon. Il estime que dans les situations où la deuxième étape du travail doit être raccourcie, une extraction instrumentale (forceps, ventouses, spatules) ou une césarienne serait préférable.
« C’était une technique qui était beaucoup utilisée dans les années 1980 et 1990 et c’était très douloureux pour les femmes », raconte Caroline Combot. Malgré ses effets nocifs, la pression abdominale était courante, bien que très rarement enregistrée dans les dossiers des patients. S’il est toujours réalisé malgré les recommandations précédentes, il doit désormais être réalisé avec le consentement de la future maman et inscrit dans son dossier médical, « indiquant le contexte, les modalités de mise en œuvre et les problèmes éventuels », est-il précisé. IL A.
Malgré tout, cette pratique n’est toujours pas officiellement et légalement interdite. Cependant, la violence obstétricale est évidente. En 2014, le hashtag #PayeTonUtérus dénonçait également la maltraitance des femmes lors des examens gynécologiques et obstétricaux. Alors que les témoignages ne cessent d’affluer, des groupes comme StopVOG, formé en 2017 sous l’impulsion de Sonia Bisch, son porte-parole actuelle, voient le jour. « Les travailleurs de la santé comprennent souvent mal le terme violence. Cependant, il faut comprendre que la violence ne découle pas toujours d’un désir conscient de nuire. Certains aidants estiment faire du bon travail sans se rendre compte qu’ils n’ont pas ou plus de bonnes pratiques. D’autres ne tiennent pas toujours compte du choix ou du consentement de la patiente », explique-t-elle. Chaque mois, son équipe recueille environ 200 témoignages de femmes qui ont subi ce genre de violence, y compris des mimiques abdominales. « Vous pressez les femmes sur le ventre comme si un enfant était un bouchon de champagne. C’est extrêmement violent et maintenant nous savons que nous ne devrions plus le faire. Mais beaucoup pensent que le travail est fait tant que la mère et le bébé sont en vie. Ce n’est pas assez. Quand ils ne peuvent pas marcher, ils sont déprimés ou ils souffrent de stress post-traumatique… il ne suffit pas d’être en vie, il faut être en bonne santé », se plaint-il.
L’expression abdominale est-elle encore pratiquée dans les maternités malgré son interdiction ?
Dans une interview accordée en 2017 au magazine ELLE, le gynécologue et professeur Israel Nisand, alors président du Collège national des gynécologues et obstétriciens, a déclaré : « Il n’y a plus de nouvelle pression. Si cela se produit, c’est une erreur technique et une grave erreur professionnelle. Mais en 2021, elle ajoute à nos confrères du magazine Maternelle : « Oui, la pression abdominale est encore enseignée dans les écoles de sages-femmes. Il est instructif de l’éviter absolument. Mais il y a des circonstances où, dans la panique, ça peut se faire. » Oui, en France, la pression s’applique toujours au fond d’œil, et pas seulement aux urgences.
Selon une enquête réalisée en 2017 par le Collectif Interassociatif sur la Naissance (CIANE), une femme sur cinq déclare s’être fait presser le ventre lors de l’accouchement. Parmi eux, leur consentement n’était pas requis dans plus de 80% des cas. « Beaucoup de mères nous écrivent que leur naissance a été volée. Ils se sentaient sans leur corps, comme s’il était disponible », déplore Sonia Bisch. Or, depuis 2002 et la loi Kouchner : « Aucun acte ou traitement médical ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment ». Aujourd’hui encore, les témoignages de femmes qui disent avoir subi ce genre d’abus ne manquent pas. C’est le cas de Sylvia*, qui a donné naissance à son premier enfant en 2013.
Témoignage : « Quand j’ai appuyé, j’ai ressenti une grande douleur, mon corps a cédé »
Témoignage : « Avec la pression, j’ai senti une grande douleur, mon corps me lâcher »
« C’était ma première grossesse, mon premier accouchement. J’ai accouché en 2013, dans une clinique privée à Lyon. La naissance a été longue.
En salle d’accouchement, on s’est vite rendu compte qu’il ne se passait pas grand chose en poussant. Mais je me suis soudain retrouvée avec les coudes et les mains pressant très fort sur mon ventre. Deux personnes, une de chaque côté de mon corps, appuyaient dessus. Ils ressemblaient à des lutteurs. J’ai ressenti une forte douleur lorsque j’ai appuyé, mon corps a cédé et quelque chose dans mon corps s’est cassé. C’était hyper violent. Je ne pensais pas que quelqu’un me tiendrait comme ça. Ils ne m’ont rien demandé, ils n’ont rien expliqué. Finalement, le gynécologue m’a fait une épisiotomie, et j’ai aussi eu droit au forceps. Mon mari, témoin de toute la scène, a alors résumé ma livraison : une boucherie.
Je suis rentrée dans ma chambre avec mille questions sans réponse, un gros bleu et des points de suture. Je ne pouvais ni m’asseoir ni bouger, je dormais avec des glaçons sur mes parties intimes, je ne pouvais ni tenir mon fils ni allaiter. Je suis rentré chez moi avec une bouée, sans force et sans soutien, surtout psychologique.
Plus tard, la reconstruction de mon périnée a échoué et j’ai une incontinence. Fin 2013, je vais passer une IRM parce que je sens que quelque chose ne va pas. J’ai accepté de voir un urologue et ce fut un choc : j’avais un prolapsus d’organe stade 2/3, c’est-à-dire que ma vessie dépassait presque l’ouverture de la vulve, et il en va de même pour le rectum.
Aujourd’hui, mon fils a presque 10 ans, il va bien, même s’il a régulièrement de fortes douleurs au cou. Je suis dans une rechute de défaillance d’organe. Mon corps est complètement détruit aujourd’hui.
J’ai intenté une action en justice pour être reconnu comme victime, mais tous mes dossiers ont été rejetés. Même si tous les soignants m’ont avoué que mes effets étaient dus à l’accouchement, aucun des experts n’a démontré qu’une pression avait été appliquée sur l’abdomen lors de l’accouchement. Ils croient tous que donner naissance naturellement, dans de très faibles pourcentages, peut causer des problèmes comme le mien. A aucun moment la responsabilité des médecins n’a été envisagée. Mais je me bats pour d’autres femmes, donc le nombril n’est vraiment plus fait. »
Si vous aussi avez été victime de violences gynécologiques et/ou obstétriques, vous pouvez témoigner de manière anonyme et vous faire accompagner par le collectif StopVOG.
* À la demande de l’interlocuteur, le nom a été changé.